Ajuster les mots à nos valeurs

Après un échange un peu rugueux, Un internaute revient vers moi et s’interroge finalement quant à la nécessité d’adapter les mots aux valeurs portées par notre démocratie.
Je lui réponds :

Bonsoir,

De mon point de vue, la morale fonde le droit et non l’inverse : il ne peut y avoir de démocratie sans vertu comme de justice… sans amour. Quand je perds la vue, mon cœur sait quand il a raison. Finalement je crois que nous ne sommes pas si éloignés, et sans doute, partageons et aimons le même fleuve, mais ne marchons pas sur les mêmes rives.

Au cœur de la barbarie de Verdun beaucoup d’hommes rêvaient d’autre chose que de guerre, certains ont même payé de leur vie quelques échanges fraternels. Pourquoi ce siècle de tous les dangers fondamentalistes, du terrorisme et surtout de l’égoïsme, ainsi que vous le soulignez justement, ne serait-il pas porteur du même ferment ? « Les mots sont des mantras » affirment certains sages orientaux, ce sont eux qui nous forment. A l’automne de ma vie je mesure cette profonde hypothèse.

Dès l’instant où nous perpétuons et transmettons le message historique de vigilance vis à vis de la tyrannie, il paraît possible d’essayer d’ajuster davantage les mots qui nous représentent avec les valeurs et les idéaux légués par la révolution Française. Mais sans abandonner pour autant la musique et surtout l’esprit de cet hymne-symbole, ni son agressivité intéressante. Expurgeons simplement l’extrême violence de ce chant de guerre (« qu’un sang impur abreuve nos sillons » signifie la guerre totale : on transforme l’autre en fumier, en engrais). De surcroît le sens de cette expression, écrite à l’origine uniquement pour un hymne guerrier, a été dévoyé par les « élites » (les « purs ») pendant la terreur de 1792 à 1794. Ces mots abreuvent notre inconscient individuel et collectif depuis notre plus tendre enfance de génération en génération si bien qu’on finit par les répéter sans réfléchir à leur signification et même plus grave , en vieillissant … à les aimer !
Imaginez un instant qu’on ait hérité à l’origine, d’autres mots et qu’aujourd’hui quelqu’un propose un chant avec le refrain « au sang impur »… Il tomberait tout simplement sous le coup de la Loi !
Avec d’immenses hommes et femmes illustres, politiques, artistes ou simplement avec d’autres, plus humbles et discrets, je partage l’idée qu’un seul couplet et refrain issus de notre histoire suffirait.
Les autres symboles de la République ne souffrant d’aucune autre ambiguïté.

Bien cordialement.