La Marseillaise : paroles de la Fraternité ?

Un nouveau mail de l’historien Bernard Richard m’est parvenu. Je vous le livre tel qu’il a été écrit, suivi de ma réponse…

Le 07/02/2015 10:37 , Bernard Richard a écrit :

« Ce sont les déportés libérés, étrangers et français, qui tous, sponténément à l’unisson ont chanté la Marseillaise, à Buchenwald et Dachau, etc.
-Voyez si ça vous intéresse mon site www.bernard-richard-histoire.com, avec tous mes papiers.
Enfin qualifier de « coup d’Etat savamment orchestré » la journée du 10 aoüt 92, c’est fermer les yeux sur l’histoire de notre pays et récuser celle-ci, comme le fit en son temps Maurras, Pétain et sa « Révolution nationale , etc. Quel idéologie d’aveuglement , bien à vous, Bernard Richard, agrégé retraité donc désagrégé »

Voici ma réponse :

Monsieur,
Vos arguments sont pour le moins surprenants. Libérés des griffes de « la bête immonde » nous aurions tous bien sûr, dans cette situation, chanté les mots de la Marseillaise jusqu’à en perdre la voix. Vous, moi… tous. Et cela quelles qu’en aient été les paroles.
Comprenez-vous cela ?
Mais le 20ème siècle est passé par là avec ses épurations, massacres ethniques, crimes de masse contre l’humanité… génocides en tous genres : Arméniens, Juifs Européens et Tziganes, Chinois, Bosniaques, Ukrainiens, Tchétchènes, Russes, Cambodgiens, Kurdes, Roumains,  Tutsis, Soudanais : groupes ethniques des Four, Masalit et Zaghawa, etc…
A chaque fois, le où les responsables, l’ont fait au nom d’une nécessaire purification et (ou) une indispensable épuration. Y compris en France à partir du 27 mars 1942 pour 80 000 de nos compatriotes Français et frères humains.
Soutenir encore au 21è siècle ces mots proprement monstrueux : « qu’un sang impur abreuve nos sillons », revient à se ranger du coté des ennemis de l’humanité, de la civilisation.
Je sais, cette idée choque comme toutes « les idées nouvelles » que seuls les défenseurs de l’ordre ancien, devenant à leur tour « réactionnaires », essayent de bâillonner.
De mon point de vue, on ne peut construire une société plus humaniste et fraternelle avec les paroles du premier couplet de la Marseillaise devenu de fait notre hymne.
Le phare de notre identité, c’est la musique. dessin-cul de lampe clé de sol-pousses vertes retouché par F.M. mars 2014Alors gardons-là avec ses accents joyeux et subtils. De toute évidence, elle ne peut appartenir à Rouget de Lisle au regard du reste de sa production musicale. Le grand musicien Grétry, qui avait travaillé un temps avec Rouget de Lisle et connaissait ses limites, lui a écrit à propos de sa Marseillaise : …vous ne dites rien du compositeur… Est-ce Edelmann ? (!!!). Nous sommes bien loin de « l’inspiration fulgurante et unique portée par le peuple » décrite par certains de vos confrères pour justifier l’impossible.

Non, la journée du 10 août 1792 n’avait rien d’une explosion « populaire » spontanée. Tout était organisé. Depuis l’agression ratée du 20 juin contre le Roi dans les Tuileries (laquelle avait soulevée une vague d’indignation dans la quasi totalité du pays), l’insurrection s’est faite rapidement au grand jour : les forces de défense du Roi démantelées ou désorganisées en quelques semaines, pièce par pièce, avec en contrepartie la concentration de 20 000 fédérés les plus exaltés au champ de Mars, la mise en place d’un comité d’insurrection dirigé par Vaugeois, les meneurs rémunérés à la journée… A ce propos, savez-vous d’où venaient les fonds ? Là on touche à l’Histoire…
Je précise : je ne suis pas Maurrassien. Mais faut-il tuer les gens par le fait qu’ils sont nés roi ? (Danton : « nous ne sommes pas là pour juger le roi mais pour le tuer… » ).
Cependant de trop d’erreurs accumulées les Rois et leurs aristocraties étaient responsables et le basculement de l’ancien régime était nécessaire car inadapté aux besoins et la réalité sociale de la fin du 18è siècle. Mais la nouvelle idéologie s’est imposée par un terrorisme sanglant contre une partie de nos ancêtres, des gens de toutes conditions, de tous âges.
Ce ne sont pas les victimes qui ont écrit l’histoire révolutionnaire de la France.

Ceci étant mon sujet ne concerne que le rôle très particulier et méconnu de la Marseillaise « baptisée » dans le sang entre Français le 10 août 92. Aujourd’hui cela s’appellerait une guerre civile.
Si le terme « coup d’état » vous heurte, remplacez-le par pronunciamiento révolutionnaire.
Vous parlez d’une « idéologie d’aveuglement » : à quand un ouvrage pour dire enfin la vérité sur la mainmise de l’histoire de France depuis Michelet par les « descendants idéologiques » des jacobins néo-robespierristes.
Comment s’étonner que notre histoire de France révolutionnaire officielle ne soit souvent qu’une vision orientée -car manipulée politiquement- des événements.
Edgard Morin en éminent homme de gauche, en mai 2014, a posé la cerise sur le gâteau avec son « universelle Marseillaise », en faisant l’apologie des 15 couplets de la Marseillaise, alors que Rouget de Lisle a reconnu être l’auteur de seulement 6 couplets, pas un de plus. En dehors du couplet des enfants, sait-il seulement quels sont les auteurs des 8 autres couplets rajoutés ; à quelles dates ont-ils été discrètement introduits dans la Marseillaise et par qui ?
Huit couplets déjà rajoutés ? Ça alors… donc… un de plus où de moins… quelle importance ?
Le 21è siècle n’a-t-il pas le droit de laisser sa trace ?
Notre marseillaise n’est décidément pas celle que l’on croit… Alors oui, ajoutons encore d’autres paroles à celles du royaliste (constitutionnel) Rouget de Lisle que vous défendez avec tant d’énergie.
Au delà de nos différences je vous adresse néanmoins mes très républicaines et cordiales salutations
Pierre M.
Dessin Fran.Colombe avec rameau qui saigne sans flaque de sang
Lien avec une émission sur RTL avec Bernard Richard : « doit-on obliger les sportifs français à chanter la Marseillaise ?

Lien avec une vidéo où Michel Platini s’exprime sur les paroles de la Marseillaise.

Lien avec interwiew de Natalie Dessay (novembre 2015) après les attentats de Paris.