Charlie-Hebdo : pour que vive le soleil de la Liberté et de la Fraternité

Antonio M. m’adresse de Madrid toute sa solidarité devant l’assassinat des dessinateurs du journal satirique « Charlie-Hebdo ».
Voici un Mail particulièrement touchant quand on connaît sa terrible histoire. Ses parents, très opposés à Franco sans être pour autant communistes, à la fin de la guerre civile ont traversé les Pyrénées et sont venus à pieds jusqu’à Paris. Mais là, sans maîtrise de la langue, le travail est difficile et disputé. Il faut survivre… Invitée par un oncle, la famille part et s’installe à Cuba, pays présenté alors comme un nouvel éden. Mais la révolution cubaine éclate, Fidèle Castro prend le pouvoir et ne le lâchera plus. Rapidement, l’oncle et les parents d’Antonio qui avaient créé une petite entreprise, deviennent suspects et progressivement persécutés comme des dizaines de milliers de cubains. Au comble du désespoir, ils vont réussir à mettre Antonio qui n’a pas 13 ans dans un avion pour Madrid : « sauve-toi ». Ce jeune garçon se retrouve un soir seul dans l’aéroport Espagnol à errer, puis dans la ville elle-même. Au bout de trois jours c’est un curé qui le repère, lui viendra en aide…

Aujourd’hui, Antonio est devenu un éminent chercheur, enseignant la philosophie et l’histoire des religions, dans une université des Etats-Unis.
Voici son message (mail) :

Le 08/01/2015 00:00, Antonio a écrit :
« Moi aussi, je suis Charlie Hebdo. Chers amis, je veux que vous sachiez que ce qu’on vous a fait, on me l’a fait, moi aussi, ainsi qu’à toute l’Espagne.
Je suis en deuil aussi…Antonio. »
  Sent from my Nokia phone

Et voici ma réponse :
« Merci pour ta solidarité cher Antonio,
Mais ces assassins n’ont-ils pas à l’insu de leur (faible) conscience repris le totalitarisme et l’absolutisme que certains de nos pères professaient naguère : « qu’un sang impur abreuve nos sillons » : un appel à la guerre sans merci, la guerre totale ? Finalement ne sommes-nous pas à la fois, victimes et responsables, en cultivant institutionnellement notre propre violence ?
Dans l’Histoire, qui a placé le terrorisme, la Terreur, à « l’ordre du jour » ?
Ceci étant, merci de ton soutien, ensemble nous serons plus forts contre tous ces totalitarismes de l’esprit qui ont engendré et engendrent encore la barbarie, sèment la mort et la désolation. J’irai manifester dimanche avec les personnes de ce pays quelles que soient leurs appartenances politiques. Manifester contre le terrorisme ne servira probablement à rien mais j’irai en pensant à tous ceux qui expriment un point de vue différent, voir opposé au mien, afin qu’ils puissent toujours l’exprimer…
Pour que vive le soleil de la Liberté et de la Fraternité.
Bien à toi » .
Pierre.

 "Les Echos" 9-janvier-2015
« Les Echos » 9-janvier-2015